Oui, mais… à quoi ça va me servir?

Pendant un de mes cours, alors que j’étais en pleine envolée lyrique, une élève lève la main.

« Oui, Frédérique ? » (Vous aurez compris qu’il s’agit évidemment d’un nom fictif)
« Oui, mais monsieur… À quoi ça va me servir ça, dans vie, de savoir que pour résoudre une équation quadratique, il faut utiliser la formule du discriminé avec b2 – 4ac ? »

Ici, je ne sais pas ce qui m’agace le plus :

– La question en tant que telle;
– Le fait que les gens disent que les ados ne sont pas capables de faire des phrases complètes, mais ne parlent qu’avec quelques sons inaudibles (je trouve que cette phrase-ci est pas pire !);
– Le « oui, mais…» (Si vous ne comprenez pas trop cette allusion, demandez à un enseignant ou un entraîneur que vous connaissez dans votre entourage le nombre de fois qu’on peut entendre un « oui, mais…» à la suite d’une explication ou bien à la fin d’une consigne… Ouf !

Maintenant, si nous revenons à la question un peu perturbante de Frédérique, je dois faire un petit tour dans ma tête avant de répondre et d’organiser mes pensées.

Premièrement, c’est la première fois que je t’entends et que tu participes cette année, pis tu me sors une question assassine comme celle-là. (Note à moi-même : Ne plus jamais insister les élèves à poser des questions et à leur répéter sans cesse qu’il n’y a pas de question niaiseuse, car là, je suis un peu dans le trouble).

Deuxièmement, on dit la formule du « discriminant » et non pas du « discriminé » !?!

Troisièmement, ce que je crois que tu veux dire c’est : « Pourquoi je mettrais des efforts à étudier ou à comprendre quelque chose si je n’en vois pas la pertinence ? » Malheureusement, je ne peux pas vraiment te donner tort sur ce point.

Quatrièmement, il y a 30 élèves qui attendent impatiemment une réponse à cette « provocation » à peine subtile et voilée à ta crédibilité, donc il faudrait peut-être sortir de ta tête pis risquer une réponse.

« Tu sais, Frédérique, je crois que tu as raison. Directement, il n’y a pas grand chance que tu te serves de cette formule dans la vie de tous les jours, et probablement que très peu d’entre vous auront à s’en servir. Par contre, cette formule a été fréquemment utilisée pendant le conception de plusieurs des objets technologiques que vous utilisez aujourd’hui. Ils contiennent des algorithmes ou des logiciels, mais vous ne les voyez pas, car c’est souvent caché dans la programmation. Et ça, c’est sans compter tout ce qui touche l’ingénierie qui sont des domaines où on doit utiliser de telles formules et bien d’autres. »

« Je pourrais également te dire que cette notion est au programme et que tu dois être capable de t’en servir si tu veux passer ton examen du ministère à la fin de l’année et ainsi obtenir ton di-plôme. »

Maintenant que les élèves ont perdu leur sourire d’appréciation d’une cuisante défaite à venir de la part du prof et maintenant que Frédérique a rentré ses épaules un peu par en-dedans et qu’elle est tellement descendue sur sa chaise qu’on ne lui voit plus que ses yeux et son front dépassés du bureau en balançant timidement sa couette blonde qu’elle envoie voyager à gauche et à droite comme un essuie-glace.

Alors, je renchéri : « Tu sais, Frédérique, je ne devrais peut-être pas vous dire ça, mais je pense que tu as bien plus raison que tu ne le crois. Je pense que la majorité de la matière que vous voyez au secondaire ne vous servira pas directement à grand-chose dans la vie de tous les jours. Par contre, je crois que chaque cours de chacune de vos matières est indispensable. C’est dans ces cours « inutiles » que vous vous forgez une identité. C’est également dans ces cours que vous allez développer vos champs d’intérêts. Comment voulez-vous savoir si vous aimez l’histoire, les langues, les maths, les sciences si on ne vous en n’a jamais parlé? Et si vous vous arrêtiez un ins-tant, vous pourriez remarquer qu’on vous en parle souvent avec passion et dévouement. C’est évident que certains cours ou certaines notions sont plus plates ou difficiles, mais tu verras que dans la vie, tu auras des épreuves bien pires que la formule du « discriminant ».

« Donc, à chacun des cours que vous aurez, ne vous demandez pas « qu’est-ce qu’on fait au-jourd’hui ? » avec une attitude d’abdication, mais demandez-vous plutôt « qu’est-ce que je peux découvrir aujourd’hui ?» avec expectative.

Oups, la cloche sonne… Certains vous diront : « Bon, ben, un autre cours de perdu ! » Je dirais plutôt : « Wow ! Quel beau moment. » Mais ça, c’est moi…

Dominic Paul

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