C’est une question de génération…

Malgré tout ce qu’on peut en dire, les réseaux sociaux ont un bon côté. Ils permettent entre autres à de vieux amis de se revoir et de se donner un rendez-vous pour dîner malgré leurs horaires chargés. Ça crée parfois des moments magiques entre deux amis comme si le temps s’était arrêté. Vous recommencez à vivre, 10 ans plus tard, comme si rien entre vous deux n’avait réellement changé, à part quelques rides qui trahissent votre saut dans le temps et quelques livres supplémentaires qui trahissent quelques sauts en moins au gym…

Mais, parfois, les mêmes réseaux sociaux peuvent faire remettre en question ces amitiés oubliées. Pourquoi avoir forcé le destin? Si on ne se voit plus, c’est peut-être parce qu’on n’avait plus rien en commun ? Que de sages paroles. Je devrais peut-être m’écouter plus souvent !

Toujours est-il que mon ami – appelons-le Jean-Marc – et moi nous nous sommes donné rendez-vous dans un petit restaurant que nous apprécions tous deux et où nous avons partagé plusieurs fois un bon repas.

Assis bien confortablement sur une chaise – qui a assurément vu passer plus de fesses que d’entretien – j’aperçois finalement Jean-Marc arriver 20 minutes après l’heure convenue, cellulaire à la main.

« S’cuse moi, Dom, mais y’avait du traffic pis je ne trouvais pas de parking. »

« Hey, pas de trouble, je suis vraiment content de te voir. » Non, non, je suis réellement content de le voir.

Le repas se passe bien, on jase de tout et de rien, du passé et du présent. Comme si Jean-Marc avait fait son cours de droit, il se sent obligé de corroborer chacune de ses anecdotes par une photo ou bien un statut Facebook. Comme si sa liberté en dépendait ou pire encore comme s’il devait s’assurer d’échapper au couloir de la mort.

Évidemment, après quelques bons moments, on devait en arriver à ce constat :

« En tout cas, Dom, je te l’ai déjà dit, mais je ne sais vraiment pas comment tu fais…»

Bon, ben au moins c’est clair, je vois bien qu’il ne lit pas pantoute mes publications Facebook ni mes petits textes.

« Non, non, mais je sais que tu vas ENCORE les défendre, mais avoue que les ados d’aujourd’hui sont quelque chose ! »

Je ne sais pas si c’est moi, mais il me semble que la dernière fois, les légumes de ma soupe tonkinoise étaient coupés plus finement, car là, tout d’un coup, je me suis étouffé sec. Il n’est pas sérieux avec son : «… ENCORE les défendre…» ?

C’est peut-être mon silence, l’expression de désarroi sur mon visage, les convulsions qui commencent à envahir mon corps, l’écume qui se forme sur le bord de ma bouche ou bien seulement une carotte avalée de travers, mais Jean-Marc sent un besoin incontrôlable d’en ajouter.

« Il me semble que, dans notre temps, les jeunes avaient des passions, ils n’étaient pas toujours sur leur cellulaire pis y’étaient pas mal plus travaillants. Avoue qu’ils sont un peu lâches pis qu’ils l’ont tout cuit dans le bec aujourd’hui. »

Ça y est, je n’ai plus faim… l’addition s’il vous plaît ! Non, mais ce n’est pas vrai, c’est une émission de caméras cachées ? Il me garroche vraiment tout ça, pis tout d’un coup en plus ? Même pas de pause entre deux niaiseries. Non, non, aller avale tout ça.

« Là, Jean-Marc, j’avoue que je ne comprends pas. C’est un genre de test que tu me fais là ou … ? »

« Non, mais là n’exagère pas. Avoue, au moins ! Y sont quelque chose ? »

Des fois, la vie t’envoie des signes. Il faudrait peut-être que je me mette à les écouter, car ça me met toujours dans des situations pas possibles.

« Là, Jean-Marc, je vais essayer de comprendre tout ce que tu m’a dit.»

« Ben là, c’est pas si compliqué ?!?»

« Ouin… Si j’ai ben suivi l’actualité, vous avez eu une renégociation de votre convention collective ? »

« Oui, on a obtenu la semaine de 37,5 heures. Pourquoi ? »

« Ah, j’essaie seulement de comprendre. Est-ce que vous travaillez les soirs pis la fin de semaine ? »

« Es-tu malade ? À la fin du « shift », on est ben trop brûlé. Pourquoi tu me demandes ça ? »

« Je te demande ça, car je ne comprends pas pourquoi tu dis que les jeunes ne sont pas travaillants. Si je fais un petit calcul vite fait, nous, à l’école, les cours sont de 8h30 à 16h00. Si je ne me trompe pas, ça fait 7 heures et 30 minutes de travail par jour multiplié par 5 jours, ça donne 37,5 heures par semaine. Si on ajoute un peu de temps pour les devoirs en soirée, on arrive à au moins 40 heures par semaine (en passant, 2 heures et demie par semaine ce n’est vraiment pas beaucoup.). Si on additionne à ça le temps que certains jeunes, en sport-étude, passent à leur entraînement, on peut ajouter un minimum de 5 heures. À ça, il ne faut pas oublier que certains d’entre eux vont travailler environ 15 heures les soirs et les fins de semaine. Donc, en résumé, 37,5 + 2,5 + 5 + 15 = 60 heures. Ouin, je crois que tu as raison, plusieurs jeunes font un minimum de 60 heures par semaine, et ce, 10 mois par année. On peut donc réellement conclure qu’ils sont lâches et pas tellement travaillants.»

« Ben là… Ce n’est pas pareil. »

« Tu as ben raison, Jean-Marc, ce n’est pas pareil. Ils travaillent 7 jours par semaine de jour et de soir alors que toi tu fais 37,5 heures seulement de jour. Pas de soir, ni la fin de semaine. Alors non, ce n’est pas pareil. »

Surprenant, mais Jean-Marc ne dit rien. Il éprouve peut-être de la difficulté avec ses légumes lui aussi ?

«Revenons à ta remarque sur les passions des jeunes d’aujourd’hui. C’était quoi toi ta passion quand on était ados, Jean-Marc ? À part faire rager tes profs ? C’était quoi ta passion ? »

« Ben là, tu sais ben…»

« Ben non, je ne le sais pas. »

« Attend là, laisse moi y penser. »

« Vas-y, prends ton temps. »

Pendant que Jean-Marc réfléchit et qu’il tente de ne pas trop sembler décontenancé par ma réplique et mon questionnement, je décide d’en ajouter à mon tour :

« Malgré tout, Jean-Marc, je dois te donner raison sur un point. Les jeunes sont vraiment quelque chose ! Ils ont un souci de l’environnement et des gens qui les entourent qui n’a rien à voir avec ce que nous pouvions avoir à notre époque. Ils ont une acceptation de la différence qui est à la fois déconcertante et réconfortante. Évidemment, ils restent des ados à la recherche d’identité avec leurs qualités et leurs défauts. Par contre, si, au lieu de les juger de façon hâtive et biaisée, tu les écoutais, ils auraient tellement à t’apporter. Tu en sortirais tellement gagnant. »

Jean-Marc cria tout d’un coup : « Les jeux vidéos, les jeux vidéos ! »

« Quoi, les jeux vidéos ? »

« Tu m’as demandé quelle était ma passion quand j’étais ado. Ben c’était les jeux vidéos. »

Eh bien moi qui parlais d’écoute, je crois que c’est peine perdue. Par contre, c’est bien vrai sa passion des jeux vidéos. C’est incroyable le nombre d’heures que Jean-Marc pouvait passer devant la télévision à jouer au Nintendo. Beau temps, mauvais temps, des journées entières enfermé dans le sous-sol à jouer à des jeux où les graphiques n’avaient rien à voir avec ce qu’on peut voir aujourd’hui.

Ceci m’amène à me poser quelques questions :

« Cette dépendance aux jeux vidéos d’antan est-elle si différente que celle que certains adultes et ados ont avec leur cellulaire ? »

« Est-ce vraiment une question de génération ou d’ados ou bien est-ce plutôt une question de nouvel outil ? »

Je n’ai évidemment pas les réponses à ces questions, mais par contre j’ai confiance que cette génération montante nous permettra d’arrêter de rêver à un monde meilleur et nous permettra d’y accéder.

Dominic Paul

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